Interview de Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Par Lwiis Saliba
Mercredi 26 Janvier 2022
(Sur le thème : portraits et poésies mystiques)
17h43 – Evocation de la première rencontre de Mahâjyoti (M) avec Swami Vijayânanda.
Portrait de Vijayânanda par ‘M’ :
Lwiis : Ce portrait est tellement vivant !
Mahâjyoti rappelle l’avis de Jacques Vigne quand elle lui a envoyé ce portrait, fraîchement créé d’après une photo, roulé dans un cylindre, par la poste de Nice à Paris. Après lui avoir demandé ‘s’il était ressemblant ?’Jacques lui avait répondu : « Il est plus que ressemblant, on voit son âme ! ».
M : Cela m’avait beaucoup touchée. De manière générale, je commence par dessiner les yeux pour obtenir le ‘regard intérieur’ et j’organise le reste du visage autour. J’aime bien utiliser la technique de la ‘sanguine’. Quand j’étais adolescente à Paris, on voulait me faire faire les Beaux-Arts, j’ai toujours dessiné depuis l’âge de 4 ans. J’effrite le crayon de sanguine qui se présente comme un fusain rouge/orange, je passe un coton hydrophile pour en étendre soigneusement la poudre et toute la page devient orange. Ensuite je dessine les traits et les ombres au crayon et à la gomme.
Lwiis : Vijayânanda est mon maître, et je me suis dit, sans te connaître : « Cette femme qui a tellement bien réussi à dessiner Vijayânanda doit être très spirituelle ». On sent dans ton poème sur lui que tu l’as comme ‘dessiné une seconde fois’. Ton poème est tellement réussi qu’il m’a fait revivre le ‘satsang’ avec Vijayânanda, il y est vraiment présent, tellement présent !
M : Ces inspirations pour les portraits comme pour les poèmes sont un don du ciel, un état de grâce. En faisant le portrait de Vijayânanda, j’ai eu l’impression de lui donner une seconde naissance…
Lwiis : On va passer tout de suite à ton poème sur le satsang de Vijayânanda, qui est la seconde partie du poème ‘O Inde, ô mon amour’, tiré de ton livre ‘Voyage Intérieur’ :
Le vieux maître est assis
Nous lui disons merci
Il est vêtu d’orange
Au loin coule le Gange.
C’est le satsang du soir
Qui redonne l’espoir
Et qui nous restructure
Pourvu que cela dure !
La visite des temples
Tout ce que l’on contemple
Les guirlandes de fleurs
Nous ouvrent grand le cœur !
C’est du miel et c’est doux
L’ego est prêt à tout
La spiritualité
Chasse la méchanceté !
Mâ est l’Enseignement
C’est le jaillissement
La lumière qui pénètre
Et la foi qui va naître !
Inde, l’imprégnation
De tout a eu raison
Tu es comme une fleur
Lotus du bonheur !
Tu habites chez moi
Où tu vibres de joie
Ton image en mon cœur
Est mon Inde intérieure !
Ton âme reste en moi
Je penserai à toi,
Je t’aimerai toujours
O Inde, ô mon amour !
M : J’ai écrit souvent ces poèmes vers 3h du matin, l’heure de la grâce. J’ai fait le portrait en premier, ensuite le poème. J’ai commencé, encore adolescente, par l’aquarelle, ma marraine était peintre, et d’une grande spiritualité, elle m’a mis le pinceau à la main. Ensuite, j’ai préféré les portraits. Jacques Vigne les a tous pris en photos. J’ai fait aussi des croquis, des caricatures d’acteurs qui travaillaient avec mon mari au théâtre. L’un d’eux l’a gardée et ne dédicaçait plus aux gens ses propres photos, mais cette caricature.
Lwiis : Lequel est le plus facile entre les deux, le portrait ou le poème ?
M : Les deux sont difficiles, je ne sais que choisir, mais je travaille sur les trois niveaux : l’écriture simple, la poésie et le dessin.
Lwiis : Et Mâ Anandamayî ?
M : La Mère par excellence, qui va chercher au plus profond de nous. J’avais la spiritualité en moi, mais c’est grâce à Mâ et à ses enseignements que cela s’est ouvert. J’ai été cinq fois en Inde, à chaque fois j’ai rencontré Swami Vijayânanda. Quand j’avais des bronchites il me donnait des bonbons suisses pour la toux et lui-même, par exemple, il prenait le téléphone du petit bureau de l’ashram où il se tenait une ou deux heures chaque soir, et enroulait le combiné dans son écharpe pour se protéger des microbes. C’était un vrai mystique, mais qui avait le sens pratique. Il disait souvent : « Il faut avoir la tête dans le ciel et les pieds sur la terre ».
Lwiis : Et le portrait de Mâ ?
M : (Montrant le portrait) – C’est un portrait martyr : quand je l’ai porté à la boutique pour le faire scanner afin de le reproduire, le scanner était sale et des barres sont venues défigurer le portrait. J’en ai pleuré, et j’ai passé une nuit à redessiner le centre de son beau visage. Quand j’ai raconté cela à Jacques Vigne, il m’a dit : « Mâ ne se donne pas si facilement… ! »
Lwiis : Pour quoi l’as-tu prise à un âge avancé et non pas jeune ?
M : Je ne sais pas, c’était les photos que j’avais de disponibles à l’époque. L’inspiration !…
Poème : Comment étais-tu, Mâ ?
La première ride vient d’un cri
La deuxième d’un pleur
La troisième quand tu ris
La dernière quand tu meurs.
Comment étais-tu, Mâ ?
Comment étais-tu, Mâ, quand tu avais 20 ans ?
Un être de blancheur, pureté et candeur
Qui savait soigner l’âme aussi bien que le cœur
Et dont l’enseignement doublé de l’exigence
Distribuait tout l’amour dont elle était l’essence !
Savoir fleurir
Savoir sourire
Comment étais-tu, Mâ, à la fin de ton temps ?
Les rides avaient creusé un sillon de bonheur
Faisant se refléter la lumière intérieure
Et point ne se voyait le fait d’avoir vieilli
Puisqu’en Elle, le Soi, à tout, s’était uni.
Savoir souffrir
Savoir vieillir
La première ride : un cri
La deuxième ride : un pleur
La troisième quand on rit,
La dernière quand on meurt !
Lwiis : Pourquoi parles-tu de la mort à propos de Mâ ?
M : Je ne sais pas, je suis très rieuse mais je sais parler des sujets sérieux et exigeants.
Lwiis : Pourquoi parles-tu de l’exigence ?
M : Mâ est très exigeante quand on sait la comprendre et qu’on la suit. J’ai trouvé dans son enseignement des liens profonds et en rapport avec ‘le Spectacle, le Sport et la Spiritualité’, ces « 3 S » qui ont représenté les trois axes importants de mon itinéraire.
Lwiis : Maintenant venons-en au portrait que tu as fait de Jacques ?
M : C’était le premier. Je l’ai envoyé à sa maman, qui a été très touchée et m’a adressé une lettre de remerciements que j’ai reproduite dans le livre dont je viens de terminer le manuscrit ‘Jacques Vigne – Une vie de passeur… entre l’Orient et l’Occident’.
Lwiis : Passons à mon poème, que tu as mis en vers, sur Nani Ma. Jacques la connaît, il en parle dans un de ses livres. Je l’ai rencontrée dans son ashram sur les bords du haut Gange. Elle m’a tellement ému. Elle a passé sept ans dans l’ashram de son maître, elle n’était qu’une servante. Un jour, son maître lui a dit : « Va dans la grotte, et médite ! ». Comment faire ? Il lui a juste dit : « Le yoga enseigne le yoga ! » Cela m’a fait penser aux Pères du désert : « La prière enseigne la prière ».
Poème : Dans la grotte de Nani Ma
Poème écrit d’après l’inspiration de Lwiis, en anglais et arabe, après avoir médité dans cette même grotte, et mis en versification en français par Mahâjyoti. Lwiis l’a envoyé ensuite à Nani Ma elle-même. Mahâjyoti commence à lire pour le public :
Dans la grotte de Nani Ma
Une grotte sur les rives de Mère Ganga
Dans la grotte de Nani Ma et de son Maître
C’est beau de méditer, de prier, de renaître !
Dans cette mini grotte en roche naturelle
Qui ne peut accueillir qu’un pèlerin sous son aile !
Où quiconque, debout, ne peut tenir en sorte
Il faut entrer courbé par sa petite porte…
Peut-être la porte étroite que Jésus a voulue ?
Puis venir s’agenouiller en présence de l’Être…
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De Celui, vénéré, depuis la nuit des temps
Dans cette ‘cave’ nature, offerte aux méditants
Dans cette grotte voisine de la rive du Gange.
Où vous regardez l’eau…silencieuse et étrange
Dans son flux éternel, écoulement précieux,
Pour en venir enfin à refermer vos yeux…
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Le rythme des pensées touche le Grand Silence.
Empreint du souvenir et de la bienveillance
De celle qui dans la grotte, assise : Nani Ma,
Que je considère comme une mère pour moi.
Nombreuses furent ses heures à méditer sur l’Etre.
Alors que simplement, lui avait dit son Maître :
Va à la grotte, apprend à méditer à fond
Il n’a ajouté aucune autre instruction:
Point n’était besoin d’autres explications.
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Elle y a donc passé de nombreuses années
Seule avec le Seul, unis par la pensée,
Amis ni camarades n’étaient autorisés.
Ce grand maître avait totalement raison :
La grotte par son silence et son inspiration.
Enseigne promptement toute méditation.
Et vous n’aurez besoin d’aucune autre leçon.
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L’un des pères du désert n’a-t-il pas dit un jour
A qui voulait apprendre à méditer toujours :
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“Va t’asseoir dans la grotte…Méditer t’apprendra”
Cellule pour dévots et chercheurs spirituels
Voilà ce qu’est la grotte, et tel est son appel.
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Entre elle et l’eau du Gange est une histoire d’amour
Que les gouttes d’eau sacrées dans leur histoire toujours
Racontent silencieusement dans leur écoulement.
Tout comme le font les grains dans les sables dormants
Dont l’éclat nous reflète le soleil couchant.
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ô grotte sacrée
J’aime la paix dans l’âme tu m’as apportée
Le calme dans l’esprit, l’ouverture dans le cœur
Le soulagement du souffle et réconfort ailleurs.
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Béni soit donc celui qui demeurait en toi,
Priait et méditait à l’intérieur de toi
Au cours de ces dizaines d’années, dans le Soi !
Tes petits murs bénis et ton rocher sculpté
Ont capté ton calme… et ta félicité
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Bénie sois-tu alors, ô Grotte bien-aimée :
Tu as su préserver pour des générations
Beaucoup de sentiments, louanges et dévotion
Les murs résonnent encore des belles vibrations
Que tu offres à chacun, dévot ou visiteur
Sincèrement devenus pieusement des chercheurs
De la paix, de la vie, de son acceptation
De la Paix dans leur âme, par Ta bénédiction !
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Lwiis : C’était vraiment une grotte exceptionnelle, qui n’allait pas au-delà d’un mètre de hauteur, exactement comme la porte étroite dont parle le Christ. Il n’y avait que la photo de Mastaram Baba, et le souvenir de tant de pratiquants qui y avaient médité auparavant.
Lwiis : Nous avons parlé de deux maîtres, deux femmes, Mâ Anandamayî et Nani Mâ, c’est l’esprit féminin qui règne. Mahâjyoti, as-tu une dernière parole ?
M : Merci ! Merci à toi d’avoir eu cette idée, c’est un peu spécial, la poésie mystique. J’ai eu le plaisir d’en écrire beaucoup d’autres dans mon premier livre ‘Voyage Intérieur’.
Lwiis : Des poèmes de toi qui sont très inspirés et très inspirants…Qu’est-ce qui t’a frappé ?
M : La beauté du cœur, la simplicité, et en même temps les pieds sur la terre !
Régine : Vijayânanda était-il complètement occidentalisé ?
Lwiis et M : Oui, il restait très français, il suivait la politique française, il a répondu à un ami qui voulait lui ramener quelque chose en revenant en Inde de lui passer un album de ‘Tintin’ en hébreu…