Interview de Tenzin Palmo Avec Dr Lwiis Saliba sur Zoom 14/4/2021

Interview de Jetsunma Tenzin Palmo

Avec Dr Lwiis Saliba

Conférence Zoom du 14-04-2021

 

Il y a deux enregistrements de cette interview en ligne, celle de Lwiis Saliba, composée de quelques entretiens directs avec Tenzin Palmo, puis celle de Jacques Vigne après la question 4 sur les femmes dans la tradition tibétaine, jusqu’à la fin. Vous pouvez les voir en suivant ce lien :

https://drive.google.com/drive/folders/1VV9u6wkT-b7v7WTyEMdcX-ocTtk0fZxF?usp=sharing

Tenzin Palmo durant l’interview avec Dr Lwiis Saliba sur Zoom

Entretien avec Tenzin Palmo

Mercredi 14 avril 2021, 17h30-18h30, heure de Paris

 

Lwiis Saliba : Nous sommes très heureux que Jetsunma soit parmi nous ce soir, pour répondre aux questions que nous avons préparées avec le Dr Jacques Vigne. Il n’y a pas grand-chose à faire pour la présenter, puisqu’elle est bien connue. Je vais donc résumer en quelques mots : ma première rencontre avec elle s’est faite à travers son premier livre publié en français, “Un ermitage dans la neige“. Depuis cette époque, Jacques Vigne m’a parlé d’elle et a fait le lien. Le 25 mai 2019, nous avons eu la conférence à Beyrouth sur ‘La science et la méditation’ et nous avons projeté en introduction une vidéo d’elle sur la méditation. Les gens étaient très impressionnés ! J’ai transformé ce discours en une interview que j’ai publiée dans un célèbre magazine au Liban. Cela a eu un très bon effet, et les gens m’ont demandé d’être davantage en contact avec elle à travers d’autres interviews, et peut-être une visite dans le pays. Même si elle n’est pas encore venue ici physiquement, nous sommes au moins désormais dans un dialogue direct avec elle, à travers ce zoom.

Nos profondes salutations avec les mains jointes. Maintenant, nous allons commencer la première question.

LS : Chère Jetsunma (littéralement “Mère Yogini”, titre qu’elle a reçu du Gyalwang Drugpa en 1986 à Katmandou et qui est rare chez les femmes, même tibétaines), tout d’abord, avez-vous un message pour nous ?

TP : Non, pas vraiment. Je veux juste dire que je suis très honorée d’être autorisée à vous parler au Liban, de là où je suis, directement, dans le nord de l’Inde. La technologie moderne a provoqué de nombreux maux dans le monde, mais elle nous a offert aussi quelques cadeaux : par exemple, cette possibilité de s’unir et de se rassembler à partir de toutes les parties du monde, de communiquer et d’apprendre les uns des autres. C’est une époque où il est très important, en tant qu’êtres humains, de s’interconnecter et de s’entendre. Je suis donc très honorée de votre invitation.

Questions de Lwiis Saliba à Tenzin Palmo

 

LS : 1- Jetsunma, en tant que femme britannique d’origine, pourquoi et comment avez-vous été attirée par le bouddhisme et spécialement par le bouddhisme tibétain ?

TP : C’est une longue histoire, mais en très bref, depuis ma petite enfance, j’avais l’idée que notre nature est intrinsèquement parfaite, que notre vraie nature est au-delà des pensées, mais que nous avons perdu le contact avec elle, et que nous devons donc y revenir encore et encore jusqu’à ce que nous redécouvrions qui nous sommes en réalité. Ainsi, depuis cette époque, je cherchais un chemin vers cette perfection intérieure. Cependant, toutes les religions que j’ai rencontrées, le christianisme, le judaïsme – j’ai même essayé de lire le Coran – ne me parlaient pas, car je n’avais pas beaucoup de sentiments pour un être extérieur qui était comme…disons…un marionnettiste qui tire les ficelles et qui, à la fin, se met à nous juger. Je n’y croyais pas, mais la plupart des discours religieux que je connaissais, parlaient de cela. Puis, lorsque j’étais adolescente, j’ai lu un livre très simple, élémentaire sur le bouddhisme. Il parlait des quatre nobles vérités, du chemin octuple et ainsi de suite… C’était tout ce que je savais déjà, en fait, au fond de moi, mais même ainsi, j’ai été très reconnaissante au Bouddha d’expliquer aussi clairement l’existence de notre nature innée et comment l’atteindre. Pas seulement ce qu’il faut faire, mais comment le faire. Je veux dire que le bouddhisme est plein de techniques pour transformer notre esprit. Ainsi, avant même de terminer le livre, je savais que, non seulement j’étais devenue bouddhiste, mais que je l’avais toujours été. Cependant, je ne le savais pas. Quant au bouddhisme tibétain, je n’étais pas encore attirée, car nous étions en 1961, on en savait très peu, le Dalaï-lama venait de s’échapper du Tibet en 1959, personne ne savait bien ce qui se passait, les Tibétains étaient des réfugiés, les communistes chinois avaient pris le contrôle du pays. Donc, il y avait très peu d’informations fiables sur ce bouddhisme tibétain. J’avais lu qu’il y avait différentes traditions en son sein, alors une voix en moi m’a dit : “Oh non ! Le bouddhisme tibétain, c’est trop compliqué !” Quoi qu’il en soit, j’ai réalisé que si je voulais étudier ce bouddhisme, j’aurais besoin d’un enseignant, et je suis donc partie en Inde pour trouver mon lama.

LS : 2- Jetsunma, que reste-t-il de la civilisation et de la culture occidentales dans la Tenzin Palmo d’aujourd’hui ?

TP : Comme vous le savez, je suis essentiellement anglaise et je n’ai jamais essayé de devenir tibétaine. Oui, je veux certainement être une bonne pratiquante du bouddhisme, mais en tant qu’Occidentale suivant le Dharma, pas en tant que Tibétaine. Ainsi, lorsque j’avais la quarantaine, j’étais en Inde depuis 24 ans, j’ai dû quitter le pays (pour des questions de visa). Un de mes amis m’a invitée en Italie, et j’ai senti qu’après avoir quitté l’Occident à l’âge de 21 ans, j’avais besoin de me reconnecter à la culture occidentale. L’Italie était donc un bon endroit pour cela. C’était très passionnant. Pendant 24 ans, je n’ai entendu parler que du bouddhisme et de la culture tibétaine. Là-bas, dans l’Himalaya, personne ne connaissait l’art, la musique et la culture d’Occident, etc. En Italie, j’ai même étudié le christianisme médiéval et la Renaissance. Vraiment, c’était très enrichissant. La culture tibétaine est tout à fait merveilleuse, la culture indienne est très profonde, mais la culture occidentale est également bien précieuse. Alors, ayons-les toutes !

LS : 3- Jetsunma, qu’en est-il de la situation des femmes dans la société tibétaine et plus particulièrement de la situation des moniales dans cette tradition spirituelle ?

TP : Bien qu’il soit entendu que nous avons tous la même nature innée, vous savez que le bouddhisme, comme toute religion traditionnelle dans le monde, est assez patriarcal. Les femmes ont toujours eu un rôle secondaire. Même si les femmes tibétaines sont très fortes, elles n’en sont pas moins inférieures socialement par rapport à l’homme. En particulier, les moniales ne recevaient pas l’éducation que recevaient les moines. Par conséquent, vous devenez une citoyenne de seconde zone si vous n’avez pas d’éducation. Vous en avez besoin. Cependant, de nos jours, dans la formation laïque, les filles reçoivent les mêmes enseignements que les garçons, il en va de même pour les moniales. Elles étudient les mêmes textes philosophiques que les moines, et maintenant elles sont elles-mêmes enseignantes. C’est très important. Dans notre couvent, seul un homme est enseignant, toutes les autres enseignantes sont des moniales. Donc, ce sont des moniales qui enseignent à des moniales, elles ont actuellement une énorme confiance en elles. Il n’y a plus de complexe d’infériorité face aux garçons. Elles font tout. Ce qui est formidable aussi, c’est que les moines acceptent et respectent cela, ils les aiment et leur enseignent les méthodes traditionnelles. Les choses ont vraiment changé maintenant, en très peu de temps. Cela est dû à l’éducation. Comme l’a fait remarquer le Premier Ministre du Bhoutan, les femmes sont généralement plus dévouées, plus concentrées et même plus intelligentes que les hommes, alors comment se fait-il que nous les ayons négligées et ignorées pendant si longtemps ? Aujourd’hui, elles ne sont plus négligées, l’accent est mis sur l’autonomisation des femmes.

LS : 4- Jetsunma, dans les écritures bouddhistes, les femmes sont-elles égales aux hommes, ou y a-t-il aussi des différences ?

TP : Il y a des écritures où les femmes elles-mêmes discutent de leurs propres expériences d’illumination, comment elles ont rencontré le Bouddha, comment il leur a transmis l’enseignement, comment elles ont obtenu le nirvâna, et ainsi de suite…. Mais dans l’ensemble, les livres ont été écrits par les garçons. Et quand ils sont écrits par des garçons, ils ont bien sûr leur perspective masculine. Certains textes sont assez misogynes, mais pas tous. Dans les Sutras du Mahayana, la famille et les femmes sont bien respectées, et les hommes font l’éloge des femmes. Donc, c’est un acquis, mais bien sûr, comme beaucoup d’autres religions, le bouddhisme a une préférence pour une naissance masculine, ils considèrent que les femmes ont moins de chance parce qu’elles ont un karma inférieur.

LS : 5- Jetsunma, quelle est votre relation avec le Dalaï-lama, à la fois personnellement et en tant que fondateur d’un couvent ?

TP : Il est une grande source d’inspiration pour nous tous. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1964, et depuis, je le rencontre de temps en temps. Quand il me voit, il dit : “Ah, voici ma vieille amie“, car nous nous connaissons depuis de nombreuses années. Il est très chaleureux, très affectueux, il vous prend dans ses bras. Il est très favorable aux femmes, bien sûr. Il soutient la pleine ordination des moniales, etc. Il n’est pas mon maître, il appartient à une autre tradition monastique, mais pour tous les Tibétains, il est l’homme qui les unit. Même s’ils ne sont pas d’accord avec toutes ses politiques, ils savent que c’est un homme très bon. Il encourage l’éducation des hommes et des femmes, et nombre des membres de son cabinet sont des femmes. C’est vraiment extraordinaire, compte tenu de tout ce qu’il a dû endurer, de voir à quel point il est gentil, chaleureux avec tout le monde. C’est en lui que tout le peuple tibétain se reconnaît.

LS : 6- Jetsunma, comment les problèmes actuels, dus au Covid-19, peuvent-ils éveiller la conscience dans les pays arabes et dans le monde entier ?

TP : Une chose qui apparaît maintenant est notre interconnexion en tant qu’êtres humains. Peu importe que vous soyez homme ou femme, arabe ou libanais, français ou britannique,  américain ou japonais, le virus nous met tous en lien. Il nous montre très clairement qu’au-delà de toutes ces différences et divisions très superficielles, nous sommes tous, au bout du compte, des êtres humains. Nous habitons tous la même planète, alors, où sont les divisions lorsque nous regardons cela ? Nous devrions reconnaître notre interdépendance et notre interconnexion, et savoir comment nous aider les uns les autres, plutôt que de créer de plus en plus de problèmes sur terre. Pourquoi ne nous réunissons-nous pas pour coopérer ? Nous ne sommes pas très intelligents, en tant qu’êtres humains.

Nous nous battons les uns contre les autres. Nous disons : “J’ai raison, tu as tort“. Nous nous battons sur des choses qui ne sont pas importantes au lieu de collaborer sur ce qui est important. Nous ne développons pas notre véritable discernement et n’ouvrons pas notre cœur, notre amour et notre compassion pour tous les êtres humains. Nous n’apprenons jamais de nos erreurs. Nous nous faisons exploser les uns les autres, puis nous soufflons un peu et nous recommençons. Si cela n’est pas stupide, dites-moi ce qui l’est ? De plus, nous avons une belle planète, et que lui faisons-nous ? Nous la détruisons, nous détruisons tout. Nous ne sommes pas très intelligents, je suis désolée.

LS : 7- Jetsunma, que doivent faire les moines ou tout autre chercheur spirituel pour se protéger des effets psycho-spirituels de cette pandémie ?

TP : Tout d’abord, au lieu de générer plus de peur et de paranoïa, nous pouvons essayer de cultiver davantage de compassion et de bonté et envoyer cette aide au monde. En effet, nos pensées sont très puissantes, et si nous continuons à envoyer des pensées de paranoïa, de peur, de colère, cela va polluer toute l’atmosphère psychique de la planète. Donc, toute personne qui est dans une tradition spirituelle, et même sans tradition spirituelle, peu importe, devrait envoyer de l’amour, de la compassion, simplement à partir de son bon cœur, en envoyant ses bonnes pensées dans l’obscurité. Même une seule bougie a le pouvoir de dissiper l’obscurité, comme on dit. Et c’est vrai. Les gens pourraient se réunir en groupes et visualiser qu’ils envoient de l’amour, de la compassion, etc. au monde qui les entoure, y compris aux pays qui sont considérés comme des ennemis, et surtout à ces pays. Cela devrait être fait dans un esprit de non-peur. Nous ne devons pas céder à la peur, nous devons pratiquer sans crainte.

LS : 8-  Jetsunma, en fait, il y a beaucoup de peur dans le monde à propos de cette pandémie. Comment pouvons-nous aider les gens, en particulier, à surmonter cette peur ?

TP : Si vous connaissez des personnes qui sont dans le besoin, vous pouvez les aider. Il existe des groupes qui aident les gens. Il y a aussi le pouvoir de la prière, qui est très important, et de la méditation : envoyer des pensées positives très fortes au lieu de pensées négatives, car se sentir malheureux n’aidera personne. Si nous ne nous aidons pas nous-mêmes, nous n’aiderons personne d’autre. Nous sommes vraiment interconnectés les uns avec les autres. Notre principal ennemi n’est que notre esprit. Tout le monde veut être en paix, veut être heureux, ne veut pas être triste. Nous devrons aller au-delà de ces petites boîtes étroites et pleines de préjugés dans lesquelles nous gardons nos esprits et nos cœurs. Sortons de ces boîtes et prenons de l’expansion, c’est très important et nous pouvons le faire. C’est bien mieux que de s’asseoir ensemble à ruminer en devenant très négatifs.

LS : 9- Jetsunma, que pensez-vous des chrétiens, y compris certains moines et moniales, qui utilisent les méditations bouddhistes dans leur pratique ?

TP : Pourquoi pas ? L’attrait des chrétiens pour le bouddhisme est qu’il donne des techniques pour réaliser les principes essentiels dont ils parlent également. Par exemple, dans le christianisme, on parle beaucoup d’amour et de compassion, et le bouddhisme propose des techniques pour développer ces qualités. Il ne se contente pas de dire : “Sois gentil, sois aimant“, il donne des méthodes pour cultiver ces vertus. Par exemple, la méditation de la bonté aimante, les brahma-viharas [avec bonté aimante, compassion, joie empathique et équanimité]. D’abord, on dirige ces vertus vers soi-même, on se souhaite d’être bien et heureux, puis on les dirige vers les personnes qui nous sont sympathiques, puis vers les personnes neutres, ensuite vers nos ennemis à qui on souhaite encore d’être bien et heureux, et encore et encore…et enfin vers le monde entier. Il existe de nombreux ensembles de pratiques que les chrétiens apprécient vraiment : par exemple, comment rendre l’esprit plus calme, comment ouvrir notre cœur. Lorsque je vivais en Italie, j’assistais parfois à ces conférences animées par des moines chrétiens. Tous ces moines de différentes confessions : catholiques, bénédictins, capucins, jésuites, pratiquaient des formes de méditation bouddhiste : vipassana, tibétaine, zen, et ils se réunissaient pour en discuter et méditer ensemble. Ils n’en ont pas perdu leur christianisme pour autant, au contraire, ils l’ont renforcé. La contribution du bouddhisme au monde est la pratique : cela ne signifie pas que vous allez devenir bouddhistes, vous pouvez être tout, ou même rien, cela vous apprendra de toute façon à apprivoiser l’esprit et à ouvrir le cœur. C’est pour tout le monde, cela ne fait pas de vous un bouddhiste pour autant.

LS : 10- Jetsunma, en tant que moniale tibétaine, quel regard portez-vous sur la Chine et le régime communiste qui occupe toujours le Tibet ?

TP : Je me suis rendue en Chine à plusieurs reprises, le plus souvent en pèlerinage, d’abord à Taïwan, puis sur le continent. La Chine est un pays bouddhiste depuis 2000 ans et elle a aussi été dévastée par la Révolution culturelle. Elle a également souffert comme les Tibétains. Aujourd’hui, en Chine, il y a un énorme regain d’intérêt pour le bouddhisme. Les gens le pratiquent. Il y a aussi un grand intérêt pour le bouddhisme tibétain, beaucoup de Chinois que je connais ont un maître tibétain. Il y a un bon nombre de pratiquants. De nombreux maîtres en Inde ont une majorité d’étudiants qui sont chinois. La plupart des monastères qui ont été reconstruits en Inde et au Tibet l’ont été avec de l’argent chinois, provenant de Taiwan et maintenant de la Chine continentale elle-même. La Chine crée beaucoup de problèmes sur le plan politique, mais les Chinois eux-mêmes sont affectueux et très dévoués. De nombreux lamas apprennent à parler chinois, car c’est la langue de beaucoup de leurs étudiants.

LS : 11- Jetsunma, est-il possible d’avoir une religion sans être contre les autres ? Et comment ?

TP : N’est-ce pas une drôle de question ? La religion n’est pas un club de football, où vous devez soutenir votre équipe contre les autres. La religion doit nous rassembler par le cœur. Nous avons notre propre religion, mais nous aimons et respectons celle des autres. C’est comme la nourriture. Vous avez tous votre nourriture nationale qui ‘pousse à la maison’, et vous pensez que votre nourriture est la meilleure du monde. Mais d’autres personnes ont leur propre nourriture, qui leur convient le mieux. Donc on ne peut pas dire : “Ma nourriture est la meilleure, parce que je la mange tout le temps !”. C’est délicieux pour eux, c’est nutritif pour eux et ça les garde en bonne santé. De même, la religion devrait être quelque chose qui nous aide à nous rapprocher des gens. C’est très triste si l’esprit devient étroit, quand nous disons : “J’ai raison, donc vous devez avoir tort !”. C’est un non-sens. Il existe de nombreux chemins vers la vérité, et je ne pense pas qu’une religion ait des droits d’auteurs sur la vérité. La vérité est au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Je vais vous raconter une anecdote : quand j’étais à Jérusalem, j’étais avec une amie du Dharma qui était aussi une moniale, nous avions donc nos robes rouges. Un garde arabe est venu voir les amis qui nous guidaient et a demandé : “Qui sont ces femmes ?” Les amis ont répondu :”Ce sont des bouddhistes !” “Quoi, bouddhistes ? C’est une nouvelle religion ?”  “Non… ça existe depuis très longtemps…” “Alors, les bouddhistes… contre qui sont-ils ?” Imaginez la question ! A ce moment-là, mes amis ont dit : “Eh bien, nous ne pensons pas que les bouddhistes soient contre qui que ce soit !”  Après quoi, le garde nous a couru derrière et nous a demandé : “Pouvez-vous nous parler de cette religion ? Nous n’avons jamais entendu parler d’une religion qui ne se définissait pas contre les autres !”. N’est-ce pas triste d’entendre cela ? [Long silence]

LS : 12- Jetsunma, vous avez dit que la douleur peut nous aider à augmenter notre concentration. Comment pouvons-nous l’utiliser dans ce but ?

TP : Lorsque nous ressentons de la douleur, notre première réaction est généralement d’y résister, de lui en vouloir. Nous n’aimons pas la douleur. La douleur est pénible. Cependant, si la douleur est inévitable, elle constitue un bon objet pour notre conscience, car nous ne pouvons pas y échapper. Au lieu d’essayer d’y résister, nous pouvons simplement nous détendre et observer la douleur. L’exemple que je donne habituellement est celui-ci : lorsque je vivais dans une grotte à Lahul, je coupais du bois. Un jour la hache a glissé et j’ai failli me couper le pouce. Je l’ai enveloppé très serré dans un tissu, dans un katha en fait (une écharpe blanche utilisée dans les rituels tibétains). Je suis restée là, il n’y avait rien à faire, alors je me suis assise et j’ai observé la douleur. C’était fascinant. Il y avait une douleur lancinante, une douleur perçante, puis une douleur brûlante : toutes sortes de sensations différentes se manifestaient. Je suis restée comme ça, sans essayer de penser que : “c’était désagréable !”. Je notais simplement, mentalement, ces différents types de perception. Cela me faisait penser à un orchestre, avec des violons, des trompettes et des tambours, qui travaillent tous ensemble. Chacun contribue à l’harmonie du tout. C’était donc une méditation très profonde. Je ne pensais pas : “Je n’aime pas cette douleur, je veux qu’elle disparaisse”. Je la ressentais simplement intérieurement comme une sensation. La douleur est une pensée très puissante, vous n’avez pas besoin d’aller la chercher. Donc, de cette façon, c’est un point de focalisation très utile pour la pleine conscience.

LS : 13-  En général, nous n’acceptons pas la douleur, nous la rejetons !

TP : Exactement. Comme le disent les bouddhistes, il y a généralement deux types de souffrances : il y a la souffrance physique qui est inévitable, et il y a la souffrance mentale, qui peut être évitée. Ainsi, la souffrance typique est généralement inévitable à un certain point, nous devons souffrir. Néanmoins, la souffrance mentale, où nous sommes bouleversés et rejetons émotionnellement cette douleur, est optionnelle. Nous n’avons pas besoin de souffrir à cause de notre souffrance, nous pouvons l’accepter, nous pouvons nous détendre, nous pouvons même l’utiliser comme objet de méditation. Bien sûr, si nous avons de la douleur et que nous pouvons la supprimer, c’est bien, mais si nous sommes dans une situation où nous ne pouvons pas, nous pouvons l’utiliser comme support de focalisation. L’obstacle devient une opportunité. En voulant échapper à la douleur, nous créons un double problème, nous ajoutons un problème à un autre problème ! Par contre, si nous l’affrontons avec patience, voire avec de la gentillesse, il n’y a plus de problème. En fait, c’est notre attitude qui est le problème : pas ce qui se passe, mais la façon dont nous y répondons. Et la plupart du temps, nos réponses ne sont pas habiles, parce que nous rejetons les sensations douloureuses, nous leur en voulons, et nous ajoutons un problème émotionnel à la douleur nue, ce qui fait que nous nous retrouvons avec un double problème !

LS : 14-  Jetsunma, les gens fuient surtout la peur…

TP : Ce n’est pas bien. Lorsque la peur surgit, embrassez-la [en faisant le geste], devenez ami avec elle ! Parlez-lui : “Quel est ton problème ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi as-tu peur ?  Dis-le-moi ! Tout va bien”.  Faites alors de votre peur une amie.

LS : 15-  Et qu’en est-il de la colère ?

TP : Oh ! La colère est un vrai problème ! Elle crée encore plus de complications pour nous-mêmes et beaucoup pour les autres. C’est un état d’esprit très malheureux. Ça n’apporte pas la paix, ça n’apporte pas la compréhension. On pense : “J’ai raison, tu as tort !” Ça augmente la pression, la colère se transforme en haine et ça finit par partir en capilotade ! Donc, il est très important de regarder notre colère et de ne pas la cautionner, de se demander : “Pourquoi suis-je en colère ?”. Il y a tellement de façons de gérer la colère. Il y a quelques années, quand j’étais au Costa-Rica pour donner des conférences sur le dharma là-bas, il y avait un livre appelé ” Surmonter la colère pour les nuls” et c’était un livre très, très épais. Je l’ai feuilleté, beaucoup de choses qui y étaient expliquées étaient bouddhistes, mais bien sûr, cela n’était pas annoncé comme tel, il s’agissait d’un livre profane… On pouvait y trouver des conseils particulièrement bons pour gérer une émotion qui elle, est très, très, inconfortable. La colère n’est clairement pas un état d’esprit heureux ! Elle crée beaucoup de mauvaises réactions au niveau de la parole, de l’esprit et du corps tout entier. Nous devons absolument apprendre à surmonter la colère.

LS : 16- Quel type de relation existe-t-il entre la peur et la colère, et comment gérer les deux ?

TP : Ils peuvent être séparés. Toute personne en colère n’est pas craintive. Bien sûr, elle peut l’être, comme une réaction animale. Si un animal est piégé, et qu’il a peur, il devient agressif. Cela fait partie de la nature animale. Mais n’oublions pas que les gens se mettent en colère parce que quelqu’un n’est pas d’accord avec eux, ou parce qu’ils ont des idées différentes, ou parce qu’ils ne les aiment pas, ou parce qu’ils les privent de leur plaisir et les ennuient, ou ils sont en colère contre la vie en général. Souvent, cela vient en dernière analyse du fait d’être en colère contre soi-même. En effet, si nous ne sommes pas en paix avec nous-mêmes, nous ne sommes pas en paix avec le monde. En revanche, si nous sommes véritablement sans conflits avec nous-mêmes, si nous sommes devenus amis avec nous-mêmes, alors, les agissements des autres, en général, ne nous perturbent pas. Si nous cultivons l’amour bienveillant, la compassion pour nous-mêmes, cela devient plus facile. Sinon, ce sera compliqué. C’est pourquoi, dans le bouddhisme, nous dirigeons d’abord toutes ces émotions positives vers nous-mêmes, puis nous pouvons les diffuser dans le monde.

LS : 17-  Des émotions positives, comme quoi par exemple ?

TP : Bien, bonté aimante, etc…Le principal est la gentillesse, le sentiment d’amitié [friendliness]. “Ne serait-il pas agréable d’être heureux ? Ne serait-il pas agréable d’être en paix ? Ne serait-il pas agréable d’avoir un bon sentiment dans son cœur ?” Et de le souhaiter déjà pour soi-même. “Ne serait-il pas agréable de ne pas avoir de problèmes ? Que je sois bien, que je sois heureux ! “Travailler pour devenir ami avec soi-même, se dire des choses gentilles, s’encourager. Puis, lorsque nous commençons à nous sentir à l’aise avec nous-mêmes, à nous pardonner, à nous permettre d’entrer en amitié avec nous-mêmes, alors, nous le faisons avec les personnes que nous aimons : notre famille, nos proches, notre chien de compagnie : souhaitons-leur du bien ! Souhaitons-leur d’aller au mieux ! Les gens peuvent avoir des idées très étranges sur ce que c’est que d’aller bien, mais en général, personne ne veut souffrir. Alors, souhaitez-leur cela ! D’abord en visant les gens que vous aimez, ensuite les gens que vous venez de rencontrer et dont vous ne vous êtes jamais demandés s’ils étaient heureux ou pas, les collègues de travail, le facteur, ou qui que ce soit : eux aussi veulent être heureux, ils vivent aussi dans leur propre univers. Laissez-les être heureux. Et puis nos ennemis, les gens que nous connaissons et que nous n’aimons pas, ou les gens de nations qui nous sont antipathiques, ou de religions qui nous horripilent, eh bien, qu’ils soient heureux ! Imaginez comme ce serait merveilleux si nous étions tout simplement bien les uns avec les autres, bienveillants les uns envers les autres. Ramenez ce sentiment dans votre cœur. Et petit à petit, cela fonctionnera, les neurosciences ont prouvé que si les gens s’exercent régulièrement à engendrer de l’amour bienveillant, cela change certaines voies neuronales dans le cerveau. Cela marche. Il existe également des expériences où vous montrez des vidéos à des personnes, et cela suscite leur colère. Après les avoir formés à la méditation de la bienveillance et de la compassion ­- pas pour en faire de grands praticiens mais pour qu’ils restent des gens ordinaires – ils peuvent voir la même vidéo mais en ayant, ce faisant, de la compassion plutôt que de la colère. Ainsi, c’est un fait scientifique que nous pouvons transformer nos pensées conflictuelles, en passant de quelque chose de négatif à quelque chose de positif. Il s’agit d’un entraînement.

LS : 18- Jetsunma, vous conseillez à vos disciples, lorsqu’ils ne sont pas dans une bonne situation, de répéter et de suivre cette formule et d’y réfléchir : “C’est Ok de ne pas être Ok”. Alors comment cela peut-il aider dans une telle situation ?

TP : Le fait est que souvent nous croyons : “tout doit se passer comme je le veux !”. Et si ça ne se passe pas comme ça, nous nous sentons en colère, contrariés et en quelque sorte comme si nous avions échoué. Parfois, les choses ne se passent pas du tout comme nous le souhaitons. Une de mes amies, Australienne, voulait mener à bien un projet, mais cela ne marchait pas. Les travailleurs indiens qui l’accompagnaient lui dirent : “Madame veut, Madame n’obtient pas !”. C’est bien là le problème ! Parfois, nous n’obtenons pas les choses que nous attendions. Si on s’énerve à cause de ça, ça ne fait qu’amplifier le problème. Mais si nous disons : “Ok, c’est Ok de ne pas être Ok. Et alors ? Ok, je voulais que ce soit une journée ensoleillée mais il pleut. Alors, c’est bon aussi ». Nous ne sommes pas obligés d’obtenir les choses de la façon dont le ‘moi’, l’ego, les veut. Elles suivent leur propre cours. Donc, si nous nous détendons et acceptons ce qui se passe, pas de la façon dont “je” veux qu’elles soient, alors tout est Ok. Nous pouvons le faire. Nous répondrons aux choses avec habileté, au lieu de gâcher encore plus les situations. Si les choses se passent comme nous le voulons, c’est bien, mais si ce n’est pas le cas, alors quoi ? C’est Ok de ne pas être Ok !…

 LS : 19-  Jetsunma, quel regard portez-vous sur le Liban et les autres pays arabes ? Et surtout sur le Dharma dans ces pays, maintenant et dans le futur ?

TP : Je pense qu’il existe de nombreuses techniques dans le bouddhisme qui peuvent être d’une grande utilité pour n’importe qui. Cela n’a rien à voir avec la “religion”. Cela n’a rien à voir avec des “croyances” ou des dogmes. Vous n’avez pas besoin de croire au karma, vous n’avez pas besoin de croire à la renaissance. Vous n’avez même pas besoin de croire au samsâra et au nirvâna. Ce n’est pas la question. Nous nous occupons de notre mental, qui est indompté, le Bouddha l’appelle le ‘mental du singe’. Nos émotions négatives comme l’avidité, la colère, l’envie et la jalousie nous posent beaucoup de problèmes à nous-mêmes et au monde entier. C’est stupide : notre agressivité et notre avidité détruisent la planète. Avec notre compétitivité, notre envie, notre jalousie, nous détruisons tout, dans la famille, dans le pays et dans le monde. Qui détruit ce monde ? Qui sont les animaux sauvages ? Ce sont nous, malheureusement ! Il y a des méthodes, il y a des techniques pratiquées depuis des milliers d’années qui peuvent aider à guérir notre esprit malade. Il existe des pratiques qui peuvent nous aider à nous remettre de notre colère, de notre avidité et de notre attachement, de notre jalousie, de notre dépendance, de notre agressivité. Si vous vous y exercez, elles vous aideront. Peu importe que vous soyez arabe, américain, indien : nous sommes tous des êtres humains ! Nous avons tous les mêmes problèmes. Et peu importe à quel groupe vous appartenez, qui que nous soyons, nous avons l’avidité, la jalousie, et l’ignorance fondamentale de notre vraie nature. Il existe des méthodes pour nous aider à revenir à cette vraie nature et à rendre positives nos émotions négatives. Elles n’ont rien à voir avec un système de croyances, elles n’ont rien à voir avec un quelconque dogme, ce sont des méthodes scientifiques. Elles sont très utiles dans un pays qui est plein de colère, plein de peur. Quel soulagement de savoir qu’il existe des méthodes pour nous aider à surmonter ces émotions très douloureuses. C’est très utile, non seulement pour nous-mêmes, mais pour la société en général, même pour notre famille, nos relations, et pour tout. Et nous n’avons pas besoin d’être bouddhistes pour cela. Ces techniques circulent dans le monde entier et ne sont pas étiquetées bouddhistes, elles sont appelées thérapies cognitives, etc. Et c’est bien ainsi, parce que ce n’est pas comme si le bouddhisme avait des droits d’auteur. Tout ce que nous effectuons et qui peut nous aider dans ce sens est bon.

LS : 20-  Ces techniques de méditation sont-elles complètement distinctes des dogmes et des croyances bouddhistes ?

TP : Elles sont très ancrées dans la tradition bouddhiste. Le fond du problème est que ces émotions conflictuelles sont un poison mental et que le responsable en est notre ego. Néanmoins, tout le monde a des émotions négatives, donc la méditation est pour tout le monde, que l’on ait une formation spirituelle ou non. Même Google enseigne à son personnel comment être attentif, et de nos jours, ils doivent également apprendre à cultiver la compassion. La compassion est devenue le mot d’ordre. Je ne sais pas ce qu’ils en font, mais maintenant, vous pouvez parler de compassion et vous n’êtes pas considéré comme quelqu’un de bizarre. Donc, comprenons que les problèmes viennent de notre propre cœur et de notre esprit, toutes ces agressions, toutes ces guerres, toutes ces fusillades… ne viennent pas de l’extérieur, nous ne sommes pas nés avec, nous les cultivons. Tout ce qui vient de notre esprit a des solutions dans notre esprit.

LS : 21- Les problèmes sont différents selon les pays. Comment résoudre les problèmes de société, de religion et de politique au Liban ?

TP : Ils sont tous causés par l’ignorance. Ils ne sont pas causés par le climat, par la géographie, ils sont causés par les êtres vivants qui habitent le pays. Ceux-ci ont un esprit, ils ont une mentalité et des préjugés, et dès l’enfance, ils sont entraînés à haïr leurs ennemis et à n’être qu’en faveur des personnes qui croient en ce qu’ils croient. Le problème réside dans l’être humain,  pas  dans les animaux, la campagne, l’eau ou l’air. La question est de savoir comment ils forment leur esprit et leur cœur. Il faut donc commencer par les êtres humains, et surtout par la façon dont on élève ses enfants. Si vous le faites avec haine, le processus se poursuivra. Si vous les élevez avec empathie et avec l’idée que nous sommes tous des êtres humains à la recherche du bonheur, le résultat sera bien meilleur. C’est nous, en tant qu’êtres humains, qui créons ces situations. Le Liban est confronté à ses propres problèmes, l’Amérique est confrontée à ses propres problèmes, l’Inde est confrontée à ses propres problèmes, mais tous proviennent de notre colère, de notre avidité, de notre ignorance et du fait que nous cultivons la peur.

LS : 22- Quel type de changement intérieur leur conseillez-vous pour faire face à leurs problèmes ?

TP : Ils pourraient jeter un coup d’œil sur leur propre esprit et sur leurs pensées, car nous nageons tous dans un océan de pensées. Nous devons reconnaître le type de pensées que nous cultivons : est-ce la peur, la colère, un dogmatisme étroit ? Examinons comment cela crée plus de problèmes, plus de difficultés pour nous-mêmes et pour tous les autres dans le pays et dans le monde. Tout revient à nos pensées. Si nous ne reconnaissons pas ces émotions négatives et ne nous efforçons pas de les transformer en émotions positives, rien ne changera, et je ne vois pas de solution, puisque les gens n’auront même pas essayé la vraie solution. C’est toujours la faute de l’autre : “Ce n’est pas ma faute, je suis parfait. Tu dois changer, si tu changes, tout ira bien.”  C’est du n’importe quoi !

Ne parlons même pas des politiciens. Ils sont l’incarnation des pensées négatives, de la colère, de l’avidité, de la soif de pouvoir et ainsi de suite. C’est pourquoi ce sont des politiciens. Les bonnes personnes qui se lancent dans la politique sont tellement découragées qu’elles finissent par abandonner. Par conséquent, la plupart du temps, les personnes qui dirigent les gouvernements sont des criminels.

LS : 23- Jetsunma, au nom des bouddhistes et des autres personnes ici présentes, nous vous invitons à visiter le Liban après cette pandémie. Acceptez-vous de venir et de répandre le Dharma ici ?

TP : J’aimerais le penser, mais je ne suis pas sûre de vouloir continuer à voyager. Pour être honnête, je ne donne plus d’enseignements, je ne voyage plus. Mon intention est de prendre ma retraite. J’ai presque 80 ans. C’est le moment. Mais bien sûr, s’il m’arrive de changer d’avis et de me retrouver dans votre région du monde, je viendrai certainement dans votre pays. Disons que je ne prends aucun engagement, car je sais maintenant que je me retire des voyages et des conférences sur le dharma.

LS : 24- Quel est votre dernier mot, votre dernier message après cette interview très profonde ?

TP : Mon message est que tout dépend de nos propres pensées et de notre esprit. Si nous voulons changer le monde, nous devons nous changer nous-mêmes, nous devons changer notre cœur. Sinon, il ne suffit pas de faire des lois, des règles, pour que cela fonctionne.  Chacun est responsable, chacun a le pouvoir de changer. Si vous vous changez vous-même, vous changerez votre famille, votre dynamique de travail, et de cette façon, cela s’étendra. Donc, je vais encourager tout le monde à faire des groupes, afin de se soutenir mutuellement. Si vous êtes musulman, vous devez être un bon musulman, car les musulmans parlent aussi d’amour, de générosité, de compassion, etc. C’est ce que font le christianisme et le judaïsme. Dès le début, ils savent que nous devons cultiver de bonnes pensées. En fin de compte, ce dont nous avons besoin, c’est d’un bon cœur. Comment pouvons-nous nous battre, alors que toutes les religions nous disent d’être bons, d’être bienveillants ? Je pense donc que vous devriez créer des groupes, si vous ne l’avez pas déjà fait, pour vous encourager mutuellement et reconnaître que vous n’êtes pas seul sur le chemin. Il est important de s’entraider dans la pratique, de lire, d’étudier, de discuter et d’ouvrir nos cœurs à tous les êtres humains et vivants, surtout en ce moment. Vraiment, cela nous aidera.

LS : 25- J’espère que vous nous aiderez également : si vous ne pouvez pas venir personnellement, ni physiquement dans ce pays, vous pouvez nous rencontrer par le biais de ces conférences en ligne.

TP (Avec un grand sourire) : Très bien, mais vous devrez trouver encore d’autres questions !

LS : 26- (En riant) : Pas de problème, nous avons des centaines de questions en réserve !

TP (Les mains croisées) : Je vous remercie donc beaucoup de m’avoir invitée ici et d’avoir concocté toutes ces questions qui stimulent la réflexion. J’apprécie que, dans votre sagesse, vous prévoyiez de faire d’autres approfondissements dans ce sens.

Conversation de Jetsunma avec Lwiis  Saliba avant le début de la session

 

Nous avons évoqué une conférence interreligieuse au Liban en 2006. Jetsunma avait reçu une invitation pour cette conférence : ” Ils voulaient entendre une autre voix. Je devais y aller, mais soudain il y a eu une guerre entre Israël et le Liban, alors tout a été annulé ! Plus tard, je me suis rendue en Israël dans un kibboutz, près de la frontière nord. Ils m’ont dit que deux semaines auparavant, des avions volaient dans le ciel et lâchaient des bombes. Quel monde ! ”

Lwiis Saliba : nous avons montré votre interview sur la méditation au début de notre conférence sur ‘La méditation et la science’ dans une université de Beyrouth le 25 mai 2019, et les participants ont été très intéressés. Ils m’ont demandé de vous inviter car ici, ils ont besoin d’un tel savoir et discours.

Tenzin Palmo : Je pense qu’ils ont besoin d’une voix de l’extérieur, qui ne soit pas prise dans l’histoire où ils sont empêtrés, avec chacun qui est crispé sur ses propres positions.

Jacques Vigne : Alors, ont-ils besoin d’une bonne dose de bon sens éclairé ?

TP : Oui, le bon sens peut être d’une grande aide.

LS : J’ai visité plusieurs fois Rishikesh et quelques fois Dharamshala, nous espérons donc vous rendre visite une fois avec un groupe dans votre DGLnunnery près de Dharamshala et Palampur.

TP : (Immédiatement, en joignant les mains dans un sourire) : S’il vous plaît, venez ! Bien sûr, une fois que cette histoire de confinement sera terminée.

Interrogée par Lwiis sur son numéro de téléphone, TP va le chercher en disant de façon amusée : “Je ne le connais pas… je ne me téléphone jamais”… Puis elle ajoute : “En fait, je n’utilise ce téléphone que comme ‘réveille-matin”.

LS : Nous serions heureux que vous veniez au Liban !

TP : Eh bien, nous verrons le moment venu. Maintenant, il y a ce confinement. Qui sait quand il cessera ? Ils disent que ça diminue dans un endroit, mais après que le virus va muter, donc les vaccins ne fonctionneront probablement plus…

LS : Quel type de précautions prenez-vous dans votre monastère ?

TP : La principale précaution est que personne ne sorte, et aucun visiteur n’y est autorisé depuis le premier confinement. Tout le monde fait son travail, jusqu’à présent personne n’a été infecté. Le gouvernement pousse à la vaccination partout, mais pour l’instant, ils n’administrent les doses qu’aux personnes de plus de 60 ans. La communauté ici est assez jeune, entre 5 et 45 ans, la plupart autour de 20 ans, donc ils seront les derniers à être vaccinés, s’ils le veulent. Je les laisse décider eux-mêmes. De toute façon, il y faudra attendre de nombreux mois avant cela, il n’y a pas assez de vaccins, parce que l’Inde distribue aussi aux pays voisins, au Népal, au Bhoutan, etc.

LS : Comptez-vous changer d’endroit ?

TP : Je suis ici depuis décembre 2019. Nous ne sommes pas sortis de l’enceinte depuis mars de l’année dernière. En fait, c’est très agréable d’être sur place, de profiter du rythme régulier du monastère. D’habitude, je suis en train de courir partout sur la planète. D’autre part, les moniales sont heureuses que je sois là. Elles ne sortent pas. Nous avons du terrain, donc elles ne sont pas coincées dans les bâtiments.

traduction française du Dr Jacques VIGNE

(Relecture finale de Geneviève-Mahâjyoti)

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