Exercices et conseils pratiques pour gérer les crises de colère / Conférence de Lwiis Saliba sur Zoom, mercredi 16 avril 2025
La psychologie spirituelle, le yoga et la psychologie actuelle recommandent un certain nombre d’exercices pour atténuer et évacuer la colère, ainsi que pour prévenir les crises de colère, que nous avons déjà mentionnées en tant que folie passagère ou temporaire.
En arabe, les termes Hamaqa حماقة et Hamaq حمق sont utilisés pour désigner à la fois le manque de raison et la sottise, ainsi que la colère. La langue arabe rejoint ainsi la psychologie moderne, qui considère la colère comme une folie temporaire.
Dans les dictionnaires bilingues, on trouve les mots folie et déraison dans ces deux sens. Dans le dictionnaire détaillé arabe-français d’Abdelnour, nous lisons (p1/763) حماقة Hamaqah: idiotie, imbécilité, sottise, stupidité, colère, emportement. En d’autres termes, Hamaqah حماقة est à la fois stupidité, idiotie, irritabilité et emportement, arrogance. Dans le Mawrid trilingue Ar/An/Fr (3ème édition : 2005, p. 725) : Hamaqah حماقة signifie en anglais: stupidity, idiocy, et en même temps il signifie: foolishness, folly. Nous trouvons les mêmes significations dans le dictionnaire arabo-français Al-Munjid (pp. 696-697): Idiotie: stupidité, imbécillité, absurdité. Le verbe “Hamoqa” حَمُقَ: être stupide, être idiot, se mettre en colère, devenir furieux. Se mettre en colère pour les choses les plus insignifiantes.
En d’autres termes et en un mot, la colère dans le terme arabe “hamaqah” حماقة est synonyme de stupidité et d’arrogance. La colère est aussi de l’arrogance. C’est exactement ce que disent le yoga et la psychologie spirituelle. De leur point de vue, la colère est un produit de l’ego et de la mégalomanie.
Que pouvons-nous conclure de cette présentation linguistique et philologique arabe? L’homme arabe a appris par instinct et expérience, que la colère est synonyme de bêtise, d’idiotie, de stupidité, de folie et aussi d’arrogance. N’est-ce pas ce que nous vivons au quotidien, car la colère nous fait sortir du cercle de la rationalité et de la raison et nous en rend prisonniers et esclaves, de sorte que nous agissons souvent de manière stupide, folle et insensée pendant notre colère !
Une courte pause sur une deuxième expression arabe qui est également très significative, lorsque l’un d’entre nous se met en colère, nous disons dans une traduction littérale: il a brûlé de colère. On trouve aussi en français l’expression: s’enflammer de colère, et en anglais: burns with anger. Cette synonymie entre la colère, le feu et son allumage en arabe, ainsi qu’en français et en anglais, se retrouve dans les plus anciennes traditions bouddhistes, puisque Bouddha aurait dit: Personne n’a créé l’enfer. C’est le feu de l’esprit relâche ses rênes à la colère qui enflamme l’enfer et y brûle son propriétaire. (Saliba, Lwiis, Bouddha, 10/1, p174).
Descendre à l’étage du corps
La colère, telle que nous la vivons et la ressentons dans notre corps, est une émotion musculaire, ce qui signifie que nous ressentons une contraction dans nos muscles pendant celle-ci. C’est pourquoi la Décharge musculaire aide à apaiser la colère.
Pour gérer notre colère il est conseillé donc de ne pas recevoir son attaque sur un niveau mental, mais plutôt de descendre à l’étage du corps. Car tant qu’on reste à l’étage du mental il va y avoir cette confrontation. Il ne faut donc pas chercher à combattre l’attaque de la colère avec les mêmes outils qui sont les outils du mental et de la pensée, mais plutôt absorber cette attaque au niveau du corps pour éviter de rester bloqué au niveau de la mentalisation.
C’est pourquoi nous allons compléter notre présentation par des exercices pratiques qui aident à soulager la colère.
Exercice 1: Pousser le mur:
Comme on l’a déjà dit, la colère est une émotion très musculaire. Ce qui aide donc pour apaiser une crise de colère, qu’on appelle souvent une crise de nerfs, c’est la décharge musculaire. On met un pied en avant un autre en arrière en ayant l’intention de décharger notre colère dans le mur. L’idée est tout simplement de décharger au niveau musculaire toute cette charge énergétique de colère à travers le fait de pousser de toutes nos forces dans une surface solide qui est le mur, et d’y associer la respiration avec une grande inspiration et à l’expiration je pousse avec toutes mes forces en soufflant par la bouche. On peut activer la voix par ce qu’on libère à travers la vocalisation: on souffle ou on peut même grogner: Je pousse, je souffle et même je crie si besoin il y a. Dans cet exercice on n’est pas centré sur l’étirement: même les pieds et les jambes peuvent être pliés. L’intention est centrée sur le fait de décharger les muscles. Cet exercice peut être pratiqué pour décharger la colère, mais aussi pour débloquer le mental.
Pour guider la pratique de l’exercice vous pouvez suivre les conseils suivants: sentez votre plante des pieds qui est ancrée dans le sol, et dans chaque respiration laissez vos pieds s’ancrer davantage en contact avec la terre, comme s’il y avait des racines qui poussaient les plantes de vos pieds vers le centre de la terre. Continuez à respirer profondément et sentez le contact entre vos mains et le mur. Sentez aussi la température, la texture, le contact des doigts. A la prochaine expiration amenez toute votre conscience dans vos muscles, dans les muscles des bras. Dans l’expiration poussez le mur de toutes vos forces et à chaque expiration poussez également avec force toute cette émotion qui est bloquée à l’intérieur, en lui permettant de se décharger à travers les mains dans le mur. Continuez à votre rythme, à l’inspire relâchez. Vous pouvez bouger un peu la posture ou l’aménager, et à l’expire vous soufflez par la bouche de toute vos forces en poussant dans le mur. A chaque expiration vous pouvez vous mettre en relation avec votre colère et décharger consciemment cette colère dans le mur. N’hésitez pas à activer les cordes vocales à l’expire quand vous soufflez. Vous pouvez amener du son pour favoriser cette expulsion et cette décharge. Expirez toujours par la bouche. Souvent dans la colère on a cette activation de batailler, mais on peut le faire avec toute autre partie du corps, avec les pieds contre un mur, et pousser avec les jambes c’est possible aussi.
Il y a 4 dimensions dans cet exercice:
1-La dimension musculaire de pousser.
2-Associer l’action de pousser avec le souffle et surtout avec l’expire que l’on peut vocaliser.
3-Associer tout ce qui précède avec l’intention de décharger la tension et l’émotion.
4-Le contact avec les sensations corporelles.
Le principe de base est comme on a dit, de descendre d’un étage: descendre du niveau du mental au niveau du corps, comme si vous étiez dans une maison et que vous vouliez descendre d’un étage pour aller au rez-de-chaussée.
Exercice 2: Checking Body ou le chien mouillé
Il s’agit de remuer le corps comme une bouteille de Soda, ou comme en Qi Gong. Vous montez et vous descendez sur les genoux. Vous le faites comme un chien qui sort de l’eau. Il faut sentir toute la peau du corps qui bouge: les épaules, les poignets, etc. Il faut jeter la charge émotionnelle dans la terre et laisser votre corps vous dire là où il y a besoin d’un mouvement. Laissez le corps vous guider.
Dans un 2ème temps il faut faire cet exercice jusqu’à épuisement: non pas juste une ou deux minutes, mais il faut le faire jusqu’à ce que vous transpiriez et que vous soyez vraiment fatigué. Et quand vous arrivez à cet état, vous pouvez vous étirer avec un rythme plus long, mettre une musique méditative, danser: juste bouger comme vous le faites avec la musique, le mouvement conscient, en laissant le corps se mouvoir sur la musique.
Exercice 3: Le Bucheron
C’est comme si on coupait du bois avec les deux mains. Les laisser tomber vers le bas, avec une grande expiration par la bouche pour faire sortir avec elle la colère, ou toute autre émotion négative.
Exercice 4: Pousser la tête
Il s’agit de pousser la tête avec la main, et simultanément de fermer l’anus, afin de laisser la charge de colère sortir à travers la main et le front.
Exercice 5: Le bâillement
Il est très efficace en cas de crise de colère, et aussi pour réduire toute autre tension qu’on fait sortir par la grande ouverture de la bouche. Il est conseillé de pratiquer le bâillement simultanément avec un étirement des bras et des mains pour intensifier son effet.
Exercice 6: Relaxation des organes et des membres tendus
On scanne le corps pour repérer les endroits et les membres tendus, telle que la mâchoire inférieure souvent crispée au moment des émotions négatives, l’espace entre les sourcils, les genoux, ou autres… et on relâche tout ce qui est tendu. Enfin, par la détention, on libère la colère ou toute autre émotion négative, pratiquer le Yoga Nidra est un excellent exemple de la relaxation.
Exercice 7: La marche
La marche est un régulateur efficace du système nerveux en général, et des émotions en particulier. On peut intensifier son effet par une répétition d’une formule verbale dans laquelle on demande à chaque membre ou organe tendu de se détendre. Il est conseillé souvent de parler à nos organes, ou de parler intérieurement, ou à voix haute à nous-même, en nous demandant de nous calmer, et ce dialogue intérieur a très souvent montré son efficacité.
Exercice 8 : Le mouvement de l’endeuillée
En Orient, ce que fait instinctivement l’endeuillée lorsqu’elle pleure son défunt est un mouvement spontané qui va évacuer la colère ou toute autre émotion négative: Elle lève les deux mains jusqu’à ce qu’elles touchent son front, les paumes tournées vers l’avant, puis, dans un mouvement rapide et puissant, les laisse tomber pour frapper ses cuisses. Il est conseillé d’accompagner ce mouvement d’un souffle ou d’un soupir à voix haute et d’une forte expiration par la bouche, libérant ainsi l’émotion négative.
C’est un exercice simple et efficace, et qu’on peut répéter plusieurs fois dans la journée.
Jouer avec notre colère
Ainsi, par la pratique d’un ou de plusieurs de ces exercices, on lave notre bol de colère tous les matins. Et quand on sent qu’on est trop dans l’étage mental on descend à l’étage corporel. Chaque personne s’autorégule à sa façon en choisissant les exercices qui lui semblent les plus appropriés.
L’idée bienveillante de la colère ainsi que l’esprit de ces exercices, est qu’on cherche à donner corps à la colère, à l’incarner. L’intention est que j’embrasse ma colère et que je permette à ma colère de s’exprimer à travers mon corps.
Il faut à tout prix éviter l’addiction à la colère qui est aussi nocive que l’addiction à la drogue. Il est également conseillé pour le même objectif de travailler sur notre passé lié à la colère, ainsi que pour sonder et découvrir de plus en plus ce qui nous met en colère, afin de sonder et découvrir aussi l’émotion sous-jacente à la colère: souvent la colère exprime une certaine peur, ou bien elle est une réponse de protection contre une honte, et dans ce cas nous avons recours à la colère pour nous protéger. Pour apprivoiser donc notre colère, nous avons à découvrir ce qui sous-tend cette colère. Il est généralement bon de nous lier d’amitié à notre colère et de dialoguer avec elle pour découvrir qu’est-ce qu’elle cache et qu’est-ce qui l’excite.
N’oublions pas qu’avec toutes les émotions, plus on essaye de repousser une émotion, et plus elle s’invite.
On essaie donc de jouer avec la colère car plus on joue avec la colère, plus elle se libère. On parle souvent même d’embrasser le feu pour exprimer un travail judicieux afin d’apprivoiser notre rage et notre colère.