Psychologie Spirituelle, Psychologie Moderne, Soufisme et Bouddhisme, Notes d’une VisioConférence De Lwiis Saliba sur Zoom, 6/11/2024

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Dans cette présentation, nous allons aborder le trouble obsessionnel-compulsif, TOC, non seulement en tant que maladie, mais aussi en tant que mécanisme de pensée adopté par la plupart des gens, et qui d’entre nous n’a pas souffert de TOC à un moment ou à un autre de sa vie ? Le Coran, comme nous l’avons déjà mentionné, en parle dans sa dernière sourate (sourate des Gens 114). L’école de psychologie qui a montré des résultats décisifs dans le traitement des obsessions en général et des TOC en particulier est la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Dans cette présentation, nous verrons comment cette école est proche et inspirée de la psychologie bouddhiste.

On s’est référé sur le livre “Break free from OCD” de Fiona Challacombe et autres. Il s’agit peut-être de l’ouvrage le plus important sur le sujet qui existe en langue Arabe, car les auteurs sont d’éminents spécialistes internationaux du traitement des TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Comme nous l’avons déjà mentionné dans un article précédent, les symptômes de ce trouble psychologique ne sont pas limités à ceux qui souffrent de cette maladie, mais il s’agit d’un mécanisme de pensée pour l’écrasante majorité des gens, bien qu’il n’atteigne pas le degré de la maladie, et la différence entre une personne normale et un patient n’est pas dans la qualité et la nature des obsessions, mais dans leur quantité et le degré de leur fréquence et de leur répétition. A cet égard, les auteurs disent (p. 256) « Nous sommes tous prédisposés à nous sentir anxieux, et il est utile et nécessaire de s’inquiéter, mais dans une proportion normale. Les pensées inquiétantes ne peuvent pas être destructrices. Penser que les pensées inquiétantes peuvent endommager le cerveau est un piège des TOC ».

Les auteurs traitent leurs patients à l’aide de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Ils déclarent (p. 283) : « Le traitement de choix pour les TOC chez les enfants et les adultes est la thérapie cognitivo-comportementale. Il s’agit d’un type de thérapie par la parole qui inclut l’exposition et la prévention de la réponse (ERP) ».

Ils la définissent comme suit (p.15) : «Aaron Tim Beck (1921-2021) est le créateur des théories cognitives et de la thérapie cognitive. Beck a essayé de faire fonctionner les théories de Freud. Il lui semblait que la psychanalyse ne fonctionnait pas lorsqu’il essayait d’aider ses patients ». Les auteurs poursuivent en expliquant (pp. 16-17) : « En bref, la théorie de Beck suggère que les gens ne se sentent pas anxieux, contrariés, en colère ou tristes à cause de ce qui leur est arrivé, mais plutôt à cause de ce qu’ils ont pensé de ce que cela signifiait. Beck a montré que la dépression ne provient pas directement de ce qui est arrivé aux gens, mais de la façon dont ils ont interprété les événements. De plus, Beck a montré que la façon dont les gens perçoivent et interprètent ce qui leur est arrivé est liée à une croyance sur eux-mêmes et sur le monde en général, ainsi qu’à leurs croyances sur l’avenir. Les gens pensent d’une certaine manière en raison d’expériences qui ont affecté ce qu’ils croient à propos d’eux-mêmes et du monde ».

En cela, Beck coïncide complètement avec la psychologie spirituelle bouddhiste, dont la vision du monde a été résumée par le philosophe Schopenhauer avec une formule célèbre qui dit : « Le monde est ma perception de celui-ci ».(est ma représentation)

Sur le mécanisme des obsessions et la manière de les traiter, les auteurs expliquent (p. 98) : « Essayer d’éviter les pensées est en soi une partie essentielle des TOC. Il est très difficile pour la plupart des gens de ne pas penser à quelque chose; pour chasser une pensée de votre esprit, vous devez y penser. L’ironie de la tentative de suppression d’une pensée est qu’elle la rend plus importante. Essayer d’éviter les pensées n’est pas seulement difficile, c’est aussi futile et contre-productif ».

Citons à ce propos une histoire zen connue: «Le disciple demande à son maître de lui apprendre à transcender. Le maître réponds ‘il suffit de ne pas penser aux singes’. Le disciple a pensé que c’était facile, mais il a été piégé dans ce paradoxe: En fait en essayant de ne pas penser à un singe il y pense effectivement. Il a fini par être obsédé par les singes. Il a donc parlé de ce problème à son maître en lui disant : « Maître, je me m’en fou de la transcendance, mais délivre-moi des singes!».

C’était un moyen paradoxal efficace et habile du maître pour apprendre à son disciple que: 1-Transcender ce n’est ni penser ni ne pas penser, mais plutôt aller au-delà des pensées, et par le mental on transcende le mental même. 2-Lutter contre les pensées c’est en effet les nourrir et leur fournir plus d’énergie. Au lieu d’essayer de chasser les pensées il suffit d’observer leur mouvement, et elles vont disparaître naturellement.

 Les Behaviouristes (Psychologues TCC) poursuivent en mettant en garde contre les conséquences néfastes de la répression (p. 254): « Essayer de supprimer les pensées ne fait que les rendre plus susceptibles de revenir à l’esprit. Le fait d’être rassuré peut vous soulager temporairement, mais cela sape inévitablement votre confiance parce que vous trouverez toujours des lacunes dans la réponse. Exemple de l’ennemi qui vient vous ennuyer dans une soirée. Si on crie contre lui, tout le monde prendra son parti pour le défendre, mais si on fait comme s’il n’était pas là, les choses vont s’arranger. Il n’aura pas de prise et s’en ira, en vous laissant tranquille.

Ces lacunes sont souvent le résultat du doute, qui est la caractéristique principale du TOC, et en fait son plus grand désastre (p. 269) : « Le TOC est parfois connu comme la maladie du doute. L’un des doutes néfastes associés au TOC est de savoir si votre véritable problème est ou non un TOC »

Les psychologues comportementalistes affirment qu’une fois que nous réalisons que l’on souffre d’un trouble obsessionnel-compulsif, on est plus qu’à mi-chemin du processus de traitement. Dans le chamanisme, une fois que l’on a reconnu et nommé le démon, son pouvoir diminue et il disparaît dès qu’on l’a découvert et démasqué. Il est intéressant de noter que dans le sens coranique et soufi, obsession: wasswâs et satan sont synonymes: Wasswas est une conversation intérieure, comme une voix cachée, et c’est aussi Al-Khanâs (sourate Al-Nas 114/4). Dès que vous découvrez le wasswâs et que vous réalisez son fonctionnement interne dans l’âme, il s’affaiblit et commence à disparaître! Le mécanisme du waswasa est comme un diable intérieur, une nafs ammâra نفس أمّارة: maléfique qui travaille à la fois en vous et contre vous !

En ce qui concerne les doutes des personnes souffrant de TOC, les auteurs disent (p. 255) : « Il est impossible d’obtenir une certitude sur les doutes obsessionnels. Plus vous essayez d’atteindre la certitude, moins vous serez sûr de vous, et vous tomberez alors dans un cercle vicieux. »

La solution consiste à endurer les doutes. Car nous vivons dans un monde dépourvu de certitude, et les soufis affirment que la seule certitude dans cette vie mondaine est la mort, et ils disent dans l’interprétation du verset coranique : {Adore ton Seigneur jusqu’à ce que la certitude te parvienne} (Al-Hajar 15/99) que ce qui est signifié, c’est la mort. Les auteurs, ainsi que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) en général, ne sont pas loin de cette psychologie soufie, comme ils le disent (p. 209) : « L’idée de tolérer le doute est une partie importante du traitement des TOC. Le trouble obsessionnel-compulsif TOC peut vous noyer dans une mer de doutes (…) Dans les expériences comportementales, il est important de tolérer le doute et l’incertitude. L’incertitude fait partie intégrante de la vie, car nous vivons tous avec l’incertitude de la mort, de la maladie ou de ce que nous réserve l’avenir. Si nous ne sommes pas sûrs, cela ne signifie pas que nous manquons totalement de certitude. Les troubles obsessionnels compulsifs vous ont peut-être convaincu que vous deviez être sûr de tout à 100 %. Mais c’est souvent impossible ».

Le silence du Bouddha et son refus de s’engager dans des questions métaphysiques et de répondre à des questions liées au monde invisible ne signifient-ils pas qu’ils sont toujours et inévitablement sujets au scepticisme ? Le Noble silence du Bouddha à propos des grandes questions métaphysiques est une manière aussi d’accepter l’incertitude, par exemple à propos de l’éternité du monde, l’existence des esprits, de l’âme. Il a refusé de répondre aux questions d’un moine à ce sujet. Ananda lui a demandé pourquoi il n’a pas répondu. Le Bouddha a répondu : « Si je lui avais dit que le monde était éternel, il en aurait encore douté ». Il y a une similitude avec le point de vue soufi : deux certitudes sont essentielles : l’instant présent, le soufi est le fils de l’instant, et la mort. Cela rejoint bien la perspective bouddhiste. Tout le reste est incertain, cependant la plupart des gens sont distraits par les possibilités des constructions métaphysiques plutôt que regarder en face l’instant présent et l’heure de la mort. C’est une grande base commune entre TCC (behaviourisme en anglais) et bouddhisme et soufisme. Cela donne de bons résultats pour le traitement des TOC, des anxiétés et des phobies. Cela a évité aussi de se perdre dans les détails analytiques. Les spécialistes de TCC ont régulièrement une inspiration de la psychologie bouddhiste.

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