La nécessité de cacher les pouvoirs miraculeux dans le yoga et chez Thérèse d’Avila
(T A)/Conférence du Dr Lwiis Saliba sur Zoom Mercredi 27/10/2021
Les pouvoirs miraculeux bloquent l’évolution
Pâtanjali dit à propos des pouvoirs miraculeux des Siddhis (Yoga Sutras 3/38): «Ces capacités miraculeuses (Siddhis) sont des obstacles à l’absorption (Samadhi), mais dans l’état mondain ils sont des pouvoirs».
Ces pouvoirs, disent les professeurs de yoga, développent la vanité, qui est le plus grand obstacle sur le chemin de l’illumination spirituelle. En outre, s’efforcer de les atteindre dévie l’aspirant du chemin spirituel, car le but est le samadhi, la conscience pure, et non les siddhis.
Swami Sivananda explique ce sutra comme suit : «Ces pouvoirs sont des obstacles et celui qui veut l’illumination doit rejeter tous ces pouvoirs comme s’ils ne lui étaient d’aucune utilité. Car Avec cela, il peut devenir un yogi puissant, mais il ne deviendra pas un être réalisé. Ils se produisent comme des effets secondaires sur le chemin de la méditation. Il faut les ignorer ».
Pour sa part, Swami Vivekananda affirme : «Quels qu’ils soient, ces pouvoirs bloquent le chemin vers le but suprême et la libération. Et le yogi les croise sur son chemin. S’il les rejette, il atteint le plus haut niveau, mais s’il laisse prévaloir l’expérience de l’acquisition de ces pouvoirs, alors il barrera la voie de son évolution ».
Dans les Upanishads du vrai Yoga il est dit concernant ces pouvoirs:
« Le yogi voit ces forces surnaturelles comme des obstacles sur le chemin menant au but.
Il ne cherche pas ces pouvoirs et s’il les obtient, il ne devrait pas en être fier.
S’il veut être un vrai prince yogique, au contraire, il cache ses pouvoirs.
Il travaille dans le monde comme n’importe quelle personne ordinaire.
Plutôt en tant que personne naïve, ou muette ou sourde.»
L’exhibition des pouvoirs est limitée à certaines situations
Swami Sivananda, pour sa part, explique le mécanisme de l’exhibition de certains pouvoirs miraculeux, et limite les motifs d’utilisation de ces capacités parmi les yogis réalisés à deux raisons principales: persuader les fidèles et faire la charité là où il y a un besoin urgent. Il dit : «Un vrai mystique ne montre aucune capacité surnaturelle Siddhi, mais il peut démontrer un certain pouvoir, à un moment précis et approprié, pour convaincre ses disciples, ou pour faire du bien aux gens ».
Ici, le miracle apparaît comme une preuve de la véracité du message ou de la prophétie, et c’est précisément sa fonction dans les religions prophétiques, comme mentionné ci-dessus.
Nous continuons avec Sivananda qui donne quelques exemples d’utilisation de miracles pour persuader les fidèles, ce qui est célèbre dans l’histoire du yoga, en disant : «La reine yogique Chudalai est apparue devant son mari, le roi Sikhidvaja, alors qu’elle était élevée à quelques mètres au-dessus de la terre (lévitation), ce qui a surpris ce dernier, qui l’a prise alors comme enseignante (gourou). Matsyendranath a fait de nombreux miracles pour convaincre Gorakhnath de la sincérité des pratiques de yoga. De même, le Seigneur Jésus a montré de nombreux miracles pour convaincre ses disciples ».
La dernière remarque de Sivananda attire notre attention, car il place le Christ dans la chaîne des enseignants yogiques réalisés qui ont utilisé leurs pouvoirs pour persuader leurs disciples. Jésus est souvent considéré en Inde comme l’exemple d’un Maître de yoga qui a connu les plus hauts niveaux de réalisation.
Et je conclus cet exposé sur les pouvoirs miraculeux et la mise en garde du yoga contre son utilisation, avec mon expérience personnelle dans ce domaine.
Expérience personnelle de l’utilisation des pouvoirs
Dans le troisième chapitre de son livre, Pâtanjali mentionne un sutra qui permet de développer et d’affiner l’intuition (3/35-36). «Par samyama centré sur soi, on obtient la connaissance de l’Esprit Absolu et de là, survient l’intuition subtile » J’étais en deuxième année d’études universitaires à la Faculté d’Information et de Documentation de l’Université Libanaise et j’avais un examen dans le domaine du droit international public. Il ne me restait qu’un jour pour étudier un volume entier sur ce sujet. J’ai été obligé, dans ce cas, de faire un bachotage et de sélectionner des sujets précis et limités à étudier. Je me suis donc décidé à utiliser le sutra que Pâtanjali enseigne pour développer l’intuition. C’est ce que j’ai fait et j’ai limité ma pratique de la méditation à l’utilisation de ce sutra. Ensuite, j’ai choisi, à la lumière de mon intuition, trois sujets à étudier le jour restant avant l’examen. La composition consistait en trois questions parmi lesquelles l’étudiant en choisirait deux. Quelle a été ma grande surprise, lorsque j’ai lu la composition, de constater que les trois sujets proposés étaient exclusivement et spécifiquement les trois sujets que j’avais choisis par mon intuition pour étudier. Je ne m’attendais pas à ce que le résultat de cette intuition soit si correct et exact.
Après cet examen réussi, j’ai raconté à mon professeur de yoga Robert Kfoury ce qui s’était passé, et il m’a dit : «Tu as pratiqué cette méditation/intuition innocemment, et cela a réussi, mais si tu la répètes, tu perdras cette innocence, tu perdras par la suite ce pouvoir, et tu perturberas ton intuition ». Il m’a raconté ce qui lui était arrivé un jour en Allemagne. Son chemin quotidien passait devant un magasin de prêt-à-porter. Un jour, il a vu dans la vitrine une veste en cuir qu’il a bien aimée mais son prix était trop cher pour lui, et il lui était pratiquement impossible de l’acheter. Dans sa méditation nocturne il s’est rappelé de cette veste trop chère, qui lui est apparue en vision spontanée et rapide. Le lendemain, il s’est arrêté un petit instant devant la même vitrine, alors le propriétaire du magasin est sorti pour l’inviter à entrer et lui a offert la veste en cuir mentionnée. Mais le professeur de yoga, avec son éthique yogique stricte, s’est excusé d’avoir accepté le cadeau, car il a estimé que le propriétaire de la boutique était tombé sous l’influence de son désir inconscient, qu’il avait exprimé dans sa méditation ».
Cet incident et le récit de mon professeur de méditation Robert Kfouri m’ont suffi pour arrêter de rechercher des pouvoirs surnaturels, et je n’ai pas répété mes tentatives depuis lors.
Thérèse D’Avila insiste sur la nécessité de dissimuler les pouvoirs miraculeux
De son côté, la position de Thérèse sur les pouvoirs miraculeux n’est pas différente de l’esprit de la position du yoga.
Elle a souligné, et contrairement à l’opinion de nombre de ses guides et confesseurs, que les phénomènes surnaturels ne proviennent pas du diable, comme ils le répétaient : « Ils viennent de Dieu, car tout en eux l’indique ».
D’autre part, elle ne les considérait pas comme une manifestation de la sainteté ou une indication de celle-ci, car elle a toujours déclaré et répété que : « Les phénomènes soufis ne signifient pas directement la sainteté, car la sainteté est basée sur la perfection de l’amour». C’est la même position dans le yoga: les pouvoirs ne signifient pas la réalisation.
Et nous avons déjà mentionné, en citant la biographie de Thérèse D’Avila, comment la réformatrice du Carmel a toujours essayé de cacher les pouvoirs qu’elle avait spontanément, et à contrecœur, obtenus. Elle a catégoriquement refusé de tomber dans la tentation de la vanité, comme elle l’affirme : « J’ai prié avec insistance le Seigneur de ne plus m’accorder des grâces qui ont des signes extérieurs. Ce qui s’est avéré depuis lors ».
Cela indique que Thérèse D’Avila est allée au-delà de la question des pouvoirs miraculeux et n’en a pas fait un obstacle sur le chemin de la sainteté, ce que font les yogis. «Beaucoup d’âmes atteignent cet état, mais peu le dépassent», selon l’expression de T A, une expression exactement pareille à celle des yogis et des commentateurs du Yoga sutra de Pâtanjali déjà mentionnés.