Rabi’a et la femme dans le soufisme Notes et suite d’une conférence donnée par le Prof. Lwiis Saliba  Sur Zoom – Mercredi  08/09/2021 – 2ème Partie Comparaison entre le zikhr, (prière répétitive soufi) et le mantra.

Rabi’a et la femme dans le soufisme

Notes et suite d’une conférence donnée par le Prof. Lwiis Saliba 

Sur Zoom – Mercredi  08/09/2021 – 2ème Partie

Comparaison entre le zikhr, (prière répétitive soufi) et le mantra.

Le célibat

Le premier point qu’on a déjà abordé la semaine dernière, le 1er septembre, a été le célibat. Je l’ai découvert dans les citations de Rabi’a, que j’ai comparées avec celles des personnages qui l’ont précédée et sont venus après. Elle a bien initié une tradition de célibat à l’intérieur de l’islam et du soufisme, en contradiction évidente avec la sunna et les hadiths qui avaient l’injonction du mariage.

Comment Rabi’a et ceux qui sont venus après elle ont-ils réussi ce tour de force ?

Les soufis indiquent très clairement leur tendance au célibat. Dans leur milieu, ils ont diffusé des paroles du Prophète qui encouragent le célibat. J’ai cité des hadiths plutôt non authentiques. Cela se trouve parmi les sources les plus anciennes du soufisme :

« La meilleure personne (d’après le Prophète), après deux siècles, c’est celle qui réussit à n’avoir ni femme ni enfant ».

« Après deux siècles, si on se pose la question du célibat, à ce moment-là, disons que si quelqu’un élève un chien, cela sera plus valable (pour sa vie spirituelle) que d’éduquer un enfant ! »

« Si Dieu veut du bien pour son serviteur en ce monde, il ne l’occupe ni avec une femme ni avec des enfants » disait Hasan Al-Basri, un des premiers soufis.

Je cite le penseur  Abd-el-Rahman al Badawi, un commentateur contemporain du soufisme qui est aussi traduit maintenant en français, allemand et espagnol et qui a étudié Rabi’a :

« Rabi’a a instauré comme loi le non-mariage chez les soufis. Avant elle, c’était une question de tempérament personnel, après c’est devenu une règle. C’est d’autant plus frappant qu’elle était une femme, et que le mariage dans cette condition a traditionnellement beaucoup plus d’importance. »

J’ai un petit peu poussé vers l’Inde : beaucoup de sages indiens disent que la femme a deux instincts, sexuel et maternel, qui la poussent au mariage plus que l’homme, qui a beaucoup moins l’instinct paternel. Un Swami que j’ai rencontré prenait comme exemple le Bouddha, les premières moniales, sa belle-mère et son ex-femme, qui étaient des femmes et qui avaient déjà eu leur vie conjugale ainsi que des enfants.

Cette vie de célibat était très audacieuse et très exceptionnelle, mais a eu un impact très important sur deux ou trois siècles au moins de l’histoire postérieure du soufisme, et en fait jusqu’à maintenant, dans le sens d’une instauration de la règle de célibat.

Autre citation de Rabi’a : « Combien de désirs et plaisirs se sont évanouis, alors que leurs conséquences (négatives) sont toujours là. O Seigneur, on voit que tous ces plaisirs sont éphémères et n’engendrent que des douleurs. Pourquoi parler des douleurs de l’enfer ? »

Ce thème m’a paru important car cela corrige une idée reçue que la règle quasi absolue dans l’islam était le mariage. Beaucoup de personnes m’ont posé des questions à ce sujet.

La prière continue

Mâ Anandamayî parle de la prière, de la méditation continue. C’est un état auquel le sâdhaka  (chercheur spirituel) peut arriver avec l’assiduité dans la pratique.  A ce moment-là, cet état se stabilise et devient expérimentable même en dehors des sessions de méditation formelle, c’est-à-dire dans la vie quotidienne. « Le Nom de Dieu est toujours présent comme un morceau de sucre fondu dans la bouche »

Rabi’a a aussi expérimenté cette méditation et cette présence divine continue :

« J’ai fait de Toi le locuteur de mon cœur, mais mon corps est là pour ceux qui cherchent Ta compagnie. Mon corps est prêt à recevoir amicalement ces personnes, mais l’Aimé de mon cœur avec lequel j’ai une conversation, c’est seulement Toi ! »

Dans d’autres poèmes elle décrit cet état. Elle dit que le Nom divin, c’est lui en elle qui est la voie du Ruh, de l’esprit, à la fois dans ses paroles et dans son silence.

« Tu es dans la Voie de l’Esprit qui est à l’intérieur de moi. Si je parle, c’est Toi le sujet de mes paroles, si je me tais, c’est Toi qui demeures au plus profond de moi-même »

On voit cet état de méditation continu chez plusieurs soufis Niffari (m354h/965) disait: « Il m’a arrêté et m’a dit : rappelle-toi de Moi en toutes choses, et à ce moment-là je me rappellerai de toi également en toutes choses. » Cette compagnie ininterrompue n’est pas seulement durant la veille mais aussi pendant le sommeil. C’est bien connu dans le Yoga : dans le soufisme Niffari a dit dans ce sens « Il m’a arrêté et m’a dit : si ma Présence ne s’arrête pas pendant ton sommeil, elle continuera pendant ta veille. »

Nous pouvons citer dans ce sens l’histoire d’un disciple de Mâ qui voulait vérifier si le sommeil d’un sage était vraiment différent : il est donc allé trois ou quatre fois là où elle dormait la nuit et à chaque fois, il a constaté qu’elle lui faisait signe qu’elle était réveillée, et même une fois elle lui a parlé.

Ne pas exprimer à voix haute le Nom de Dieu

C’est une habitude dans le Yoga de ne pas révéler le Nom divin et de rester discret dans ses pratiques spirituelles. Mâ disait : « Prenez garde de cacher les efforts que vous faites pour votre évolution spirituelle. Cachez-les comme l’avare cache son trésor. C’est une chose privée entre vous et Dieu, vous n’avez pas à la divulguer”.

Une poétesse contemporaine de Rabi’a, ‘Alia bint al-Mahdi (160-210h/777-825)  était la sœur du Calife Harun-al-Rashid :

« Je vous ai caché le Nom de mon Bien-Aimé, et l’ai gardé en mon cœur.

Quelle nostalgie ai-je pour un pays où je pourrais appeler mon Bien-Aimé librement ! »

Niffari disait de son côté: “Il m’a arrêté et m’a dit: mon nom et mes noms sont mes dépôts chez toi, ne les sort pas, sinon je sortirai de ton cœur”

Dans cette tradition qui est restée profonde dans le soufisme, encore une citation d’un poète célèbre contemporain, Nizar Kabbani (1923-1998) :

« Ne me demandez pas le Nom de mon Bien-aimé, j’ai peur d’ouvrir la bouteille de parfum, et que vous serez noyés dans son odeur.

Si je divulgue même une lettre de ce Nom, vous verrez des fleurs pousser sur les ruines.

Vous verrez mon Bien-Aimé dans le sourire des ruisseaux, dans le vol des papillons, dans les pleurs d’hiver, dans la générosité des nuages ainsi que dans l’océan,  dans la respiration des animaux, de même que dans le chant des oiseaux.

Ne me demandez pas le Nom de mon Bien-Aimé, je ne le divulguerai plus ! »

Je conclurai sur l’importance de la méditation :

Mâ : « La méditation arrache le voile de l’ignorance. Pratiquez vos exercices par la méditation ou la récitation d’un mantra et se dissiperont les tendances de plusieurs vies qui jetaient un voile d’ignorance cachant la vraie nature des choses. Essayez donc !

Un cheikh soufi disait : « Par le zikhr, vous obtiendrez le détachement, le « désagrippement » et vous arriverez à la transe (?).

Chidânanda : « La méditation, et cela depuis la nuit des temps, est la seule méthode qui soit capable de nous faire arriver à l’expérience spirituelle la plus subtile »

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